Kylian, ce héros qu'on aime détester

Depuis l'annonce de son départ le vendredi 10 mai dernier (voir article : Kylian, c'est fini), Kylian Mbappé a déclenché une tempête de réactions, que ce soit du côté des observateurs, de celui des fans et même du grand public. Plus généralement, la communication et les rumeurs permanentes autour du secret de polichinelle d'un départ au Real Madrid ont déchaîné les passions depuis plusieurs années maintenant. Alors Kylian Mbappé, ange ou démon ?

Des chiffres qui donnent le tournis

Sur le plan sportif, il faut remettre l'église au milieu du village. En sept saisons et 308 matchs au Paris Saint-Germain, l'ancien monégasque a cumulé 256 buts et 96 passes décisives, soit 1,14 action décisive/match. Un "truc de fou" en somme. Et outre les 15 trophées collectifs, Mbappé a été élu 5 fois de suite meilleur joueur de Ligue 1 et en est le sextuple meilleur buteur en titre. Du jamais vu dans l'histoire de notre Championnat.

Une scène tricolore peut-être moins dotée techniquement que ses homologues européennes, mais où il est très difficile pour un attaquant de briller de manière pérenne. Toutes les stars offensives passées par l'hexagone l'ont dit : adversaires athlétiques et très puissants, défenses ultra regroupées (à plus forte raison quand l'adversaire s'appelle Paris) ... les espaces pour s'exprimer sont très rares. Une donnée qui apporte davantage de valeur à ce qu'a accompli Kylian Mbappé.

Un plafond de verre en Ligue des Champions, sauf que...

Alors oui, ce manque d'espaces a été parfois à l'origine de l'inefficacité (pour ne pas dire la transparence) du capitaine de l'Équipe de France en Ligue des Champions. La double confrontation contre le Borussia Dortmund est encore fraiche dans les têtes. Mais nul n'a prétendu que Mbappé était Messi ou Cristiano. Et c'est d'ailleurs ce qui a pu nous agacer par moments, quand "Kyks" a voulu s'improviser playmaker, lui qui n'est jamais aussi fort que lorsqu'il joue simple (il a d'ailleurs de grandes chances de se régaler au Real, où le jeu de transition est assumé). 

Au final, le numéro 7 n'aura jamais réussi à tenir ce qu'il avait promis : ramener la coupe aux grandes oreilles dans la capitale. Il y a toujours eu ce plafond de verre que ni lui ni ses coéquipiers n'ont réussi à briser. On a évoqué les demies face à Dortmund cette saison, mais on peut également citer la finale de 2020 contre le Bayern Munich avec un énorme raté au profit de Neuer, ou encore le huitième retour face à Manchester United et le duel gâché devant De Gea.

Néanmoins, un arbre qui tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse. Il est vrai que les désillusions sont tellement plus marquantes que les réussites que l'on oublie parfois ce qu'a apporté "Lottin" en LDC. S'il a entamé son parcours continental avec Monaco en 2016-17, il a ensuite continué à éclabousser de son talent la plus prestigieuse des compétitions de clubs avec le maillot Rouge et Bleu sur le dos. À tel point qu'à 25 ans seulement, il est déjà avec 48 réalisations dans le top 10 des contributeurs de C1. Et surtout, comment oublier son triplé au Camp Nou en 2021, son doublé à l'Allianz Arena sous la neige quelques semaines plus tard, mais aussi sa performance aller-retour contre Madrid en 2022, là où ses partenaires avaient craqué pour ce qui reste un énième souvenir douloureux.

Pas une légende du club, vraiment !?

Si le terrain a divisé, que dire de l'extra-sportif ? C'est en effet là où les joutes verbales sont les plus âpres et où el famoso statut de "légende" est débattu. Après avoir tiré son portait sur le pré (voir ci-dessus), il serait légitime de considérer Mbappé comme l'un des, si ce n'est le meilleur joueur de l'histoire du Paris Saint-Germain.

Mais pour un supporter (que l'auteur de cet article est aussi, ne l'oubliez pas), le côté affectif est tout aussi essentiel quant à la place que possède un joueur dans les cœurs. Un mix performance-amour qu'ont parfaitement réussi à allier Raï, Pauleta ou même Safet Susic pour les plus anciens. Liste non-exhaustive.

S'il s'était précocement montré être un génie de la communication, quelques déclarations ne sont jamais passées pour les fans franciliens. Un simple exemple pour illustrer : les "responsabilités" réclamées publiquement au soir des Trophées UNFP 2019.

Kylian "LeBron" Mbappé

Plus que les mots, l'attitude. Si aucun reproche n'est à faire sur son professionnalisme (a contrario de certaines stars passées sous le maillot parisien), l'approche "NBA" que Mbappé a de son sport a souvent fait grincer des dents. Manque d'émotion, individualisme, carriérisme, "melon" pour certains ; Kylian a peut-être cette mentalité "américaine" qui n'est pas encore au goût du jour en France, où on préfère les écorchés vifs, altruistes, perdants magnifiques (ce qu'il a tout de même été avec les Bleus lors de l'épique finale du Mondial 2022).

Si il y a eu un rapprochement avec les Ultras ces derniers mois, qui le lui ont bien rendu le soir de sa dernière sortie au Parc des Princes avec entre autres un tifo à son effigie, beaucoup de supporters lui reprochent surtout les tractations au sujet de son avenir. Car là est le sens de l'histoire. Tout a toujours laissé penser que l'ex numéro 29 devait finir à la Casa Blanca. Déjà lorsqu'il évoluait sur le Rocher, Mbappé était pressenti au Real Madrid, club de ses rêves et de son idole Cristiano Ronaldo.

Ayant finalement rallié Paris contre la somme de 180 M€, le joueur a depuis été l'épicentre d'un "suis moi je te suis, fuis moi je te suis" qui a autant embêté à Paris que dans la capitale espagnole. Il est vrai qu'éconduits à deux reprises (en 2019 et 2022), les socios Merengue avaient fini par se lasser d'attendre la superstar planétaire.

Les sommes astronomiques de son nouveau contrat signé en 2022 (72 M€ de salaire annuel) et les privilèges accordés (arrivées de Julien Maynard et Luis Campos dans l'organigramme, certains départs de joueurs et autres recrutements) n'ont pas aidé à remonter la côte d'amour du Champion du monde 2018.

Conclusion, il faut savoir où on place le curseur. Dans l'ère du football moderne, où la communication est exacerbée, il est en effet difficile de faire l'unanimité et est même plus facile d'agacer que séduire. Mais si on ne reste que sur le rectangle vert, il y a beaucoup plus de belles choses à retenir de celui qui est mine de rien le meilleur buteur de l'histoire du club. Alors rien que pour ça Kylian, merci.